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Alawi29

   

  

 

Tu invoques en faveur de ta thèse Sa parole - exalté soit-Il - : "Les croyants et les croyantes se protègent les uns les autres, ordonnant le bien et interdisant le mal". (Qoran) Mais ici, tu ne t'intéresses qu'à la dernière partie du verset et en négliges le début ! Or celui-ci conditionne pourtant celle-là, établissant le principe de cette protection mutuelle que doivent s'accorder les croyants, avec le caractère sacré de leurs biens, de leur honneur et de leur sang qui en découle. II convient donc de bien définir la nature de cette foi qui nous oblige à la fraternité, à la responsabilité et à l'entraide les uns envers les autres. Qu'est-ce que la foi ? La réponse est simple - mais Allah est plus savant - puisque le législateur nous l'a Lui-même fournie. Il s'agit de croire en Allah, à Ses Anges, Ses Livres, Ses Envoyés et au Jour dernier. Il est obligatoire de protéger celui qui professe cette foi et interdit de l'agresser. Or c'est bien une telle foi qui caractérise - mais Allah est plus savant - chaque individu de la communauté, et ce, malgré la multitude des courants et en dépit des divergences en matière d'application des principes : tant que ces derniers sont saufs, les différences restent bénignes. Ainsi, celui qui est autorisé par Allah à s'exprimer doit s'assurer que, ce faisant, il préserve les liens de l'Islam et favorise la fraternité religieuse. Il ne doit pas s'attaquer aux convictions des membres de la communauté ni dénigrer leurs doctrines ni décréter qu'elles sont fausses, car cela conduirait à des schismes et des rejets mutuels, supprimant alors toute possibilité d'entente harmonieuse entre les musulmans. N'es-tu pas conscient, ô Cheikh, du désarroi de la communauté, fruit des erreurs du passé ? Voilà à quoi nous a conduit le sectarisme exagéré de ceux qui n'admettent que leur propre école ! Chacun déshonore l'autre et le juge en fonction de ses propres convictions. Tous sont pourtant bien croyants, même si' l'exclusivisme de certains les a conduits à dissoudre les liens de fraternité religieuse ; ils ont fini par rompre l'unité née des deux témoignages de foi, de la pratique de la prière, de l'aumône, du pèlerinage, du jeûne de Ramadan, de la récitation du Qoran et de tous les principaux rites musulmans. II était pourtant bien inutile de s'occuper des erreurs du passé ! Par Allah, qu'as-tu fait, ô Cheikh! Pourquoi t'es-tu empressé de raviver les troubles du passé en tentant de saper un des piliers les plus essentiels de l'Islam, un principe fondamental sur lequel s'appuient les musulmans et dans le respect duquel ils ont été élevés? C'est de l'amour des membres des confréries dont je veux parler. Aujourd'hui, les musulmans ont des égards pour eux et les vénèrent naturellement ; ils ont une haute estime du soufisme et de ses adeptes. Mais toi, au contraire, tu clames qu'il n'est qu'erreur, ignorance et égarement, entre autres accusations dont tu l'accables ! Tu as ainsi brisé des cœurs de manière irréparable, à moins de te repentir sincèrement et de t'excuser. Tu n'aurais pas dû entreprendre de critiquer cette école avant de savoir qui l'a instaurée et quels en sont les dix principes : n'exiges-tu pas toi-même une connaissance préalable de ces éléments pour chaque discipline ? Ce minimum acquis, tu aurais pu alors en parler à ta guise. Mais j'ai bien l'impression que tes connaissances sont légères ; ou bien alors ce sont tes capacités de compréhension qui sont faibles ; ou ce peut être l'un et l'autre à la fois. Cela expliquerait que rien dans les textes dont tu disposes, ceux de Zanjânî ou d'Ibn Ajrum par exemple, n'ait pu te renseigner sur l'art du soufisme. Si tu t'étais borné ne serait-ce qu'à des abrégés, deux textes au moins ne t'auraient pas échappé : le Murshid al-Mu'în concernant les œuvres religieuses et le Jowhar al-Maknûn à propos de la rhétorique. Ces deux ouvrages intéressent au soufisme : dans le premier, une section indépendante lui est consacrée [en fin d'ouvrage] ; le second aborde le sujet dans le cadre de digressions destinées à attirer l'attention du lecteur - qu’Allah récompense son auteur. Les as-tu écartés parce que tu rejettes le soufisme par principe ? Te paraissent-ils négligeables ? Je n'en sais rien, mais de toute façon, ta critique du soufisme va beaucoup trop loin ; quoi qu'il en soit, sa renommée nous dispense d'appeler les témoins à la barre. Enfin, si Allah te prête vie et que tu veux t'occuper de questions religieuses, voire conseiller les autres dans leur pratique, fais en sorte que tes propos favorisent l'unité de la communauté musulmane ; il faut renforcer les liens religieux et la fraternité musulmane, et laisser de côté les différences de point de vue dans l'application des principes. Dis : "O gens du Livre ! Acceptez une parole qui nous soit commune : nous n'adorons que Dieu et nous ne Lui associons rien ; que certains d'entre nous n'en prennent pas d'autres comme seigneurs en dehors de Dieu". Par Allah, as-tu bien réfléchi au pourquoi de ce verset et à qui il s'adressait ? Quelle excellente manière de réunir les cœurs ! Mais quelle différence avec ta manière de procéder ! Peut-être me diras-tu que ce verset concerne explicitement les gens du Livre ? Eh bien, je dirai que tu dois au minimum accorder aux soufis le même rang : tu ne confirmes pas leurs dires, mais ne les traites pas non plus de menteurs. C'est le minimum de l'équité; mais qui donc aujourd'hui se préoccupe d'équité ? Tu prétends mettre à contribution Ghazali - qu'Allah soit satisfait de lui -. Mais tes convictions excluent totalement que tu puisses te parer de son autorité ! Lui, c'est un soufi, alors que toi tu rejettes le soufisme.Tu as également recours aux propos du Prophète - sur lui la grâce et la paix - rapportés par Ibn `Abbâs - qu'Allah soit satisfait de lui - : "Quiconque délaisse le commandement du bien et l'interdiction du mal ne croit pas au Qoran...", Mais penses-tu qu'il lui dénie absolument toute foi ? Non, sinon c'en serait terminé de la communauté ! C'est la foi parfaite qu'il lui dénie, celle qui résulte de l'acceptation totale et sincère du message ; cette foi particulière, de nombreux hadîth nous la décrivent, comme celui-ci par exemple : "Nul d'entre vous n'a la foi tant qu'il ne désire pas pour son frère ce qu'il souhaite pour Lui-même." Quant à la foi commune, elle est d'une simplicité totale comme on l'a vu précédemment. II existe même un célèbre hadîth qui nous la rend encore plus accessible. On raconte qu'un des Compagnons se devait d'affranchir un esclave croyant. Il vint donc accompagné d'une servante noire chez le Prophète - sur lui la grâce et la paix -, voulant que ce dernier juge de sa qualité de croyante. Le Prophète - sur lui la grâce et la paix - lui ayant demandé: "Où est ton Seigneur ?" Elle répondit en désignant le ciel de son index. Le Prophète témoigna alors de sa foi et le Compagnon affranchit cette femme. En citant Ibn `Arafa, tu confirmes toi-même que ce n'est pas la foi au sens général qui est visée [dans le hadîth cité] ; car pour cet auteur, l'obligation de commander le bien et d'interdire le mal incombe à la communauté dans son ensemble et non à chaque individu en particulier. Voilà ! Tu commences par édifier une forteresse au moyen du hadîth, puis c'est une ville entière que tu démolis avec cette citation d'Ibn `Arafa ! On se demande vraiment pourquoi tu enchaînes ces hadîth, dont la formulation semble montrer que chacun des musulmans est concerné, si c'est pour conclure finalement que l'obligation en question incombe à la communauté d'une façon collective ! Mais dis-moi au fait : pourquoi donc en serais-tu responsable, toi, plutôt qu'un autre ? Puisque tu manifestes des velléités d'écrire, sache qu'une simple accumulation de citations est inutile ; les références scripturaires doivent être citées à propos et conformément à leur sens, et c'est même là une forme de cette sagesse dont Il a dit - exalté soit-Il - : "Celui auquel est donnée la sagesse bénéficie d'un grand bien". Quant au hadîth que tu cites : "N'est pas des nôtres celui qui n'est pas miséricordieux avec nos enfants et n'honore pas nos vieillards", il va dans le même sens que tout ce qui vient d'être signalé concernant [la manière] de commander le bien et d'interdire le mal. Mais au vu des références que tu as sélectionnées, j'ajouterai que, en un certain sens, les "enfants" symbolisent le commun des croyants de la communauté - car ils sont [humbles et donc] "petits", quand bien même ils seraient très âgés -, tandis que les "vieillards" en représentent l'élite, indépendamment de l'âge. On juge en effet l'homme à sa réalité intérieure et non à ses caractéristiques physiques. Tu comprends mieux maintenant en quoi ce hadîth te concerne, car toi, tu n'as pas fait preuve de miséricorde à l'égard des "enfants", c'est-à-dire des musulmans en général ; au lieu de t'adresser à eux avec gentillesse et douceur, comme un père âgé parle à son jeune fils, tu les as rudoyés et accablés de tes reproches. Tu n'as pas plus honoré les "vieillards", c'est-à-dire ceux qui sont les sources de la sagesse et les soutiens de la religion de cette communauté ; dénonçant leurs prétendues erreur et ignorance, tu t'es plu à les considérer comme des ennemis, osant faire référence au hadîth rapporté par Ibn `Abbâs dans lequel le Prophète dit - sur lui la grâce et la paix - : "Recherchez la faveur d'Allah grâce à certains transgresseurs..." Les assimiler à des transgresseurs ! Par Allah, quelle impudence ! Comment peux-tu appliquer aussi facilement ce hadîth à des gens qui se réunissent pour invoquer Allah et pratiquer d'autres œuvres du même ordre ? En résumé, toutes ces preuves amassées pour montrer qu'il est obligatoire de commander le bien et d'interdire le mal ne prêtent pas à discussion. C'est le sens que tu donnes à l'expression "mal" qui est hautement contestable, car tu finis par déclarer tel ce qui est intrinsèquement un bien ou, en tous cas, une réalité plus proche de la vérité que de l'erreur.

Sois certain qu'il est préférable pour toi d'avoir tort lorsque tu cherches à réformer les pratiques religieuses de tes frères, plutôt que de voir tes critiques s'avérer en fin de compte justifiées. Ignorerais-tu que l'honneur des musulmans doit être préservé, tout comme leurs biens et leur vie ? Et cela, du simple fait qu'ils ont prononcé les deux témoignages de foi. Tu cites la Risâla d'Ibn Abî Zayd al-Qayrawânî - qu'Allah soit satisfait de lui - : "Commander le bien et interdire le mal sont des obligations qui incombent à tous ceux qui exercent le pouvoir temporel ou disposent d'une autorité quelconque. S'il est impossible d'agir, on le fera par la parole, et si cela s'avère également impossible, on le pensera en son for intérieur". L'auteur se réfère ici à un hadîth que je me permets de citer, au cas où tu n'en aies pas connaissance : "Celui d'entre vous qui est témoin d'un mal doit s'y opposer en actes, en paroles s'il ne le peut, et en son cœur sinon : c'est le degré le plus faible de la foi". Voilà une excellente méthode pour commander le bien et interdire le mal ! Mais rapporter d'Ibn `Arafa que le commandement du bien et l'interdiction du mal ne sont qu'une obligation collective ne milite vraiment pas en faveur de cette épître que tu as entrepris de rédiger ! Pauvre de toi ! Si seulement tu t'étais borné à citer les quelques hadîth qui précèdent ! Ils montrent en effet que commander le bien et interdire le mal s'impose à toute personne distinguant le bien du mal ; que le licite et l'illicite sont clairement identifiés ; qu'il faut s'abstenir de trancher dans les cas ambigus ; et que la manière de réagir face au mal est nécessairement fonction des individus, puissants ou faibles selon les cas, et des situations : quiconque a la possibilité de modifier le cours des événements, le détenteur du pouvoir politique par exemple, doit agir et ne peut se soustraire à cette obligation (à supposer que son pouvoir soit réel) ; les savants musulmans, qui n'ont pas cette fonction, doivent s'y opposer en paroles ; enfin, celui que les circonstances rendent impuissant doit s'y opposer par le cœur, ce qui est le degré le plus faible de la foi comme le dit le hadîth. Tu énonces ensuite quelques phrases sans consistance, affirmant qu' "il est obligatoire de se conformer à la Vérité, à la Tradition de Muhammad, et de suivre les traces des pieux anciens- qu'Allah soit satisfait d'eux. Ils avaient en effet pour habitude d'aimer les partisans de la Tradition, de les estimer hautement et de les vénérer, tandis qu'ils délaissaient au contraire ceux qui s'en détournaient, ne leur accordaient aucune importance et les détestaient. Cette nature était tellement ancrée en eux que, pour atteindre un rang élevé à leurs yeux, il fallait manifester son orthodoxie : même un personnage peu recommandable n'avait d'autre solution que d'être considéré comme un partisan de la Tradition." Concernant l'obligation "de se conformer à la Vérité", je dirai que c'est effectivement de la plus impérieuse nécessité, mais seulement lorsqu'on la connaît de façon très claire. Celui qui est dans le doute et que Satan a violemment frappé, comment pourrait-il connaître la Vérité ? A supposer qu'il en vienne à La connaître, cela ne pourrait de toute façon se produire que par l'intermédiaire des humains ; il lui est donc impossible de se conformer [directement] à la Vérité, à moins bien sûr qu'Allah - qu'Il soit exalté - n'ouvre sa vision intérieure et purifie ses pensées intimes de toute basse supputation à l'égard des Justes. L'Imam `Ali - qu'Allah soit satisfait de lui - a dit : "Ne sois pas de ceux qui connaissent la Vérité par le truchement des hommes, mais connais la Vérité directement ; tu connaîtras alors Ses gens". Tu décris les pieux anciens comme aimant les partisans de la Tradition. Mais qui, parmi ceux qui ont foi en Allah et en Son Prophète, n'aime pas les gens de la Tradition ? Le Prophète - qu'Allah lui accorde la grâce et la paix - n'a-t-il pas dit : "Quiconque n'éprouve pas d'amour n'a pas de foi"? Ignores-tu que les soufis, ceux-là mêmes que tu accuses d'erreur, d'ignorance et d'égarement, ont instauré l'amour comme base de leur voie ? A moins - mais Allah est plus savant - que tu entendes par "gens de la Tradition" les personnes dans ton genre et non les musulmans d'une façon générale ! Selon les termes de ta piètre prose, les anciens "délaissaient les gens se détournant de la Tradition, ne leur accordaient aucune importance et les détestaient". Jusque-là, rien ne permettait d'identifier ces adversaires de la Tradition, mais tu as alors spécifié clairement : "comme les soufis de notre époque ". En lisant cela, je me suis dit : "Ca y est ! Le bébé dont le Cheikh vient d'accoucher se met à crier !" Ce mal auquel tu faisais allusion, objet de toute cette épître, est maintenant bien identifié : il s'agit du soufisme, calamité des plus graves selon toi ! Et toutes ces turpitudes que tu détailles par la suite ne sont que des digressions, puisque l'essentiel d'un essai figure en introduction, à moins bien sûr de supposer que tu aies voulu introduire ton épître par une mention des soufis à titre de bénédiction : cela m'étonnerait vraiment ! Finalement, tout ce mal et toutes ces innovations blâmables auxquels tu fais allusion sont circonscrits par cette précision : "comme les soufis de notre époque" ; en dehors d'eux, il n'y a donc rien de nuisible dont il faille se préserver. Cela dit, puisque tu limitais ta critique aux soufis de notre temps, tu n'aurais pas soulevé notre colère si tu t'en étais tenu là, mais voilà ! Il a fallu que tu cites les propos de Turtûshî, pour qui le courant du soufisme en général n'est qu'erreur, ignorance et égarement. Pauvre de toi ! Si seulement ses paroles n'étaient pas parvenues à tes oreilles ! Ton cœur aurait pu en effet rester vierge de toute critique à l'égard des guides spirituels du passé, et Allah - qu'Il soit exalté - n'aurait eu alors à trancher qu'entre tes contemporains et toi-même. Tu continues : "La plupart de nos contemporains se sont empêtrés dans les mensonges qu'ont forgés les innovateurs, ces gens qui se détournent lorsqu'on s'oppose à leurs innovations et coutumes répréhensibles non autorisées, même en dehors des écoles juridiques habituelles". En parlant de ceux qui "se sont empêtrés dans les mensonges qu'ont forgés les innovateurs", ne ferais-tu pas allusion aux groupes de disciples ? Si c'est le cas, alors quel audacieux juriste tu fais et de quelle belle sagacité tu fais preuve ! L'inconscient s'imagine que son absence de retenue est une preuve de bravoure, sans se rendre compte que "la retenue fait partie de la foi". Plus retorses et plus fielleuses encore sont tes allégations selon lesquelles personne n'autoriserait leurs prétendues innovations, "même en dehors des écoles juridiques habituelles". Mais bien sûr, tu as tout exploré et résumé pour nous - Allah te bénisse ! Mais par Allah, quelles sont-elles ces innovations non autorisées ? S'agit-il des réunions de disciples où l'on invoque Allah - qu'Il soit exalté - et l'on rappelle les gens à Lui ? Vises-tu l'invocation en groupe et à voix haute ? Veux-tu parler des invocations rythmées par le mouvement du corps ou de leurs efforts pour provoquer l'illumination spirituelle ? Ces trois choses sont-elles ce dont tu t'es éreinté à rechercher les traces dans les recueils des écoles juridiques sans y trouver de permission ? J'ai l'impression que tu n'en as pas trouvé mention, pas même dans la catégorie des choses déconseillées ; et d'ailleurs, même si cela avait été le cas, les actes déconseillés n'en sont pas moins légalement permis : voilà ce qui aurait dû modérer ton ardeur ! La raison que tu avances pour prouver qu'ils sont des innovateurs est assez comique : "car soient ils prétendent que le savant entreprenant (c'est peut-être de toi qu'il s'agit !) Entrave leur liberté, soit ils affirment que c'est l'instigateur de leurs innovations qui a raison." C'est donc pour cela que tu les accuses de s'adonner à de blâmables innovations pour lesquelles on ne trouve aucune autorisation ? Quelle étrange rhétorique ! Quelle singulière méthode ! Tu ajoutes ensuite : "Parfois, ils l'injurient et se moquent de lui". Peut-être semblable mésaventure t'est-elle arrivée ? De telles expériences, aussi pénibles soient-elles, n'ont rien d'étonnant dans ton cas : c'est la réponse du berger à la bergère. La manière dont tu t'y prends pour commander le bien, interdire le mal et appeler à Allah - qu'Il soit exalté -, ne témoigne pas d'une grande science : voilà la raison d'une telle mésaventure ; tu n'as pas respecté les consignes qu'Allah - qu'Il soit exalté - a transmises à Son Prophète - qu'Allah lui accorde la grâce et la paix - quant à la façon d'appeler les gens à Allah : "Appelle les hommes à la voie de ton Seigneur par la sagesse et une belle exhortation ; et ne discute avec eux que de la meilleure manière" . Sourate 16 : Les abeilles (An-Nahl) verset 125..... (Note : Un peu plus loin dans cet ouvrage, le Cheikh al-Alawi répondait au Cheikh Uthman Ibn al-Makki qui faisait des Soufis l'un des groupes qui iront en enfer selon la parole du Prophète - sur lui la prière et la paix - : " Ma communauté se divisera en soixante-dix et quelques groupes Tous sont voués à l'enfer sauf un : c'est le groupe de ceux qui auront suivi cette voie qui est la mienne et celle de mes Compagnons ", le Cheikh al-Alawi eut la réponse qui va suivre. Fin de note). Mais pourquoi donc ne cites tu pas le hadith qu'a rapporté l'Imam Ghazali dans son Fasl al-tafriqât ? Le Prophète a dit : " Ma communauté se séparera en soixante-dix et quelques groupes Ils iront tous au paradis, excepté le groupe des hérétiques " Bien sûr, ton regard n'est pas tombé sur ce hadith ! Il s'est arrêté à ce qui t'arrangeait pour promettre le feu au reste des Musulmans et vous réserver exclusivement le paradis, à tes semblables et à toi même Dis : " Si la demeure dernière auprès de Dieu vous est réservée, à l'exclusion de tout autre, souhaitez donc la mort si vous êtes sincères ! " Mais ils ne la désireront jamais à cause des œuvres qu'ils ont accomplies Dieu connaît bien les injustes ", (Sourate 2, Verset 94). J'imagine que tu dois te demander comment l'on peut concilier ces deux paroles du Prophète Tu ne trouveras qu'un soufi pour résoudre cette difficulté ou d'autres du même ordre. Malheureusement tu ne pourras t'abaisser à le questionner, car la jalousie a clos en toi la porte de l'objectivité et t'empêche de reconnaître tes carences Quoi qu'il en soit, je dirai ce que Dieu a révélé [à ce soufi] ; à supposer que n'en aies pas besoin, cela pourra toujours servir aux autres. Ces deux paroles sont aisément conciliables Il suffit pour cela de considérer que le terme " communauté " désigne l'ensemble de ceux auxquels le message est prêché dans le premier hadith, et l'ensemble de ceux auxquels qui répondent à cet appel dans le second. Le sens s'éclaircit dès lors que l'on exploite la forme complète du hadith, qui est le suivante Le Prophète a dit : " Les Juifs se sont séparés en 71 groupes et les Chrétiens en 72. Quant à ma communauté, elle se séparera en 73 groupes ; tous sont voués à l'enfer sauf un : c'est le groupe de ceux qui suivent cette voie qui est la mienne et celle de mes Compagnons ".La succession mentionnée met en évidence qu'il existait 70 religions (croyances) avant la venue de Moïse - sur lui la paix -, la sienne constituant la 71 ème. Ces groupes sont voués à l'enfer, en dehors de ceux qui ont suivi cette voie qui était la sienne - sur lui la paix - et celle de ses compagnons. L'ensemble des 71 groupes peut être appelé sa " communauté " parce qu'il était l'Envoyé de Dieu pour cette époque, et que sa prédication d'adressait donc à eux Après la venue de Jésus - sur lui la paix -, qui complète le chiffre de 72, tous les groupes autre que ceux qui suivaient sa voie et celle de ses disciples sont destinés au feu. Ahmad - sur lui la prière et la paix - fut par la suite envoyé avec la religion Ahmadienne simple (Note : Allusion au hadith : " J'ai été envoyé avec la Hanîfiyya as-Samha", la Hanîfiyya désigne le monothéisme abrahamique pur, de ce fait l'Islam est une religion facile "Samha", c'est à dire simple, conformément au verset coranique (22, 78) : " Il ne vous a imposé aucune gène dans la religion ; la religion de votre père Abraham ". Ahmad est le nom "céleste" du Prophète Muhammad. Fin de note.) La Hanîfiyya as-Samha qui correspond au 73ème des groupes mentionnés ; tous sont voués à l'enfer sauf un : c'est le groupe de ceux qui suivent cette voie qui est la sienne et celle de ses Compagnons. Et là encore, le mot "communauté" désigne l'ensemble des gens auxquels sa prédication s'adresse ; il disait en effet - sur lui la prière et la paix - : "Je suis l'Envoyé de Dieu pour tout homme vivant à mon époque ou né après moi". (Note : On pourrait s'étonner de trouver sous la plume du Cheikh al-Alawi un développement aussi exclusiviste à l'égard des non-musulmans et aussi tolérant pour la généralité des musulmans. En réalité, ce passage correspond surtout à ce qui pouvait être dit, compte tenu du contexte de l'Algérie de ce temps, de l'époque et, par dessus tout, des limitations des personnes auxquelles s'adressait cette épitre : lorsque l'on a déjà bien du mal à convaincre que les soufis n'iront pas nécessairement en enfer, on n'entreprend pas d'aller explicitement à contre courant des idées ayant cours parmi bon nombre de musulmans au sujet des chrétiens et des juifs, entre autres. Il faut donc souligner que l'interprétation du hadith comporte toujours plusieurs niveaux Ici, le Cheikh opère une première transposition du sens du terme "communauté", celle qui convient à son interlocuteur et à ses lecteurs, c'est à dire un public exclusivement musulman Cependant d'autres interprétations plus universalistes des notions de "communauté" et de "voie" prophétique sont possibles Signalons d'ailleurs que, selon M. Chodkiewicz, "[pour Ibn Arabi,] le statut ultime et totalisateur de la Shari’a dont le Prophète est porteur a pour effet de valider les législation précédentes, lorsque les communautés qui y restent attachées paient la jiziyya, la capitation : par là même, en effet, elles sont incluses dans la communauté Muhammadienne" Mais d'un certain point de vue - lorsque le Prophète est envisagé dans sa réalité spirituelle de Principe Prophétique, celle qui correspond au hadith rapporté par Tirmidhî : "J'étais Prophète alors qu'Adam se trouvait entre le corps et l'esprit" -, c'est l'humanité toute entière qui constitue sa "communauté", et chaque révélation historique exprime alors un aspect de sa "voie". (kanz al-'Ummal d'Al Hindi n°31917) Rappelons enfin que l'Islam est explicitement universaliste, l'un des fondements scripturaires de cette ouverture étant le verset coranique (2,62) : En vérité les croyants, les juifs, les chrétiens, les sabéens, ceux qui croient en Dieu et au Jour dernier et agissent justement, voila ceux qui trouveront leur récompense auprès de leur Seigneur Ils n'éprouveront alors plus aucune crainte et ne seront pas affligés Le Cheikh al-Alawi en donne le commentaire suivant dans son Bahr al-Masjûr : "Le fait de citer côte à côte ces différents groupes, et de ne pas distinguer les croyants [musulmans] des autres, doit nous conduire à ne considérer personne, musulman ou infidèle, pieux ou transgresseur, comme nous étant inférieur, et ce toute notre vie durant : en effet, notre destin nous est inconnu, et c'est l'état de notre foie au moment de la mort qui compte Les hommes, du point de vue de la prédestination, sont tous à égalité [] Ce que j'ai compris de ce verset énigmatique, c'est que tous ces différents groupes ont un réel degré religieux". Fin de note). Après lui, la religion Ahmadienne s'est divisée, selon le deuxième hadith, en soixante-dix et quelques groupes ; ils représentent les différentes écoles et les approches divergentes, dont les partisans iront tous au paradis, à l'exclusion des hérétiques. Voila ce qu'exigent la bonté Muhammadienne et la miséricorde divine ! S'il n'en était ainsi, c'est la presque totalité de la communauté qui serait perdue, puisque seule une partie sur soixante-dix et quelques serait sauvée ; d'ailleurs, en l'occurrence, rien ne permet d'identifier clairement cette partie, et ce qui le prouve, c'est que chaque groupe prétend être l'heureux élu (Note : Référence au hadith suivant rapporté par Bukhâri et Muslim, (kanz al-'Ummal d'Al Hindi n°1135 et 1136). Le Prophète a dit : "Dieu - exalté soit-il - a dit : "Je suis conforme à l'opinion que Mon Serviteur se fait de Moi". Dans d'autres variantes de ce hadith, le discours divin continue ainsi : "Alors qu'il pense de Moi ce qu'il veut", ou encore : "Alors qu'il ait une bonne opinion de Moi ". Fin de note). Quant à moi, j'affirme que Dieu - gloire à Lui - est conforme à la [bonne] opinion qu'ont de Sa Personne ceux qui croient en Lui, à Son Prophète et au Jour dernier, lorsqu'ils font un effort pour se rapprocher de Lui S'ils tombent juste, deux récompenses leur échoient (Note : C'est à dire l'une pour la sincérité de l'intention et l'autre pour le bon résultat : ce sont les termes d'un hadith rapporté par Muslim (n°4261) à propos de la fonction de juge. Fin de note), dans l'hypothèse inverse, ils en obtiennent au moins une. Il sont donc récompensés quoi qu'il arrive, que tu le veuilles ou non, car les créatures ne sont pas dans l'obligation d'être infaillibles ; elles sont simplement tenues d'essayer d'être dans le vrai, et cela s'explique par la "largesse" de la voie Ahmadienne, à laquelle fait allusion ce verset : Il ne vous a imposé aucune gène dans la religion (Qoran 22,78) En témoigne également le hadith (marfû’) rapporté par Tabarânî, selon lequel le Prophète a dit : "300 chemins (tarîqa) différentes mènent à ma loi (Shari’a) Il suffit de suivre l'un d'entre eux pour être sauvé" Mais ce qui corrobore plus encore cette idée, c'est le hadith rapporté par Suyûtî dans son Jâmi' al-Saghîr, selon lequel le Prophète a dit : "Dans toute communauté, une partie des gens va au paradis tandis qu'une autre se retrouve dans le feu, sauf dans le cas de ma communauté qui, toute entière, ira au paradis" (kanz al-'Ummal d'Al Hindi n°34484 ) , et - s'il plait à Dieu - il en sera bien ainsi !

Tag(s) : #CHEIKH AL ALAWY
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